- Face !

...Zut alors. En fait je me rend compte que j'invente des jeux débiles quand je m'ennuie qui risque de m'apporter des tas d'ennuis. En même temps, j'ai rien à faire de mieux là tout de suite que de jouer à pile ou face avec Julie, et je peux pas l'abandonner comme ça maintenant. Bon eh bien tant pis, maintenant qu'on est lancé, va pour les aveux entre amis...

On se questionne pendant plusieurs minutes selon le résultat de la pièce, passant les quelques minutes à attendre ainsi. C'est bizarre d'être tous les deux assis sur le banc au milieu du parc à rire de tout et de rien en attendant son rendez-vous.

- Allez, je relance.

Et donc, la pièce lancée bien haut, atterrit dans ma main. Le résultat me fait sourire et sans même qu'elle puisse voir sur quel côté la pièce est tombée, Julie se met à bouder rien qu'en croisant mon regard.

- C'est le jeu, Julie ! Alors, alors, c'est sérieux avec... ?

- Leeech... Ca te regarde pas ! Mais bon, puisque c'est le jeu... Oui c'est sérieux. Et enlève cet air satisfait de ton visage. Allez, je relance... Face, encore moi ! A toi de me parler de ta vie sentimentale, vieux.

- Pas de problèmes : Boyfriends, mais pas plus en vue. Je profite de la vie. Hop hop hop, temps écoulé... Faut que t'y ailles maintenant. Bonne chance ma belle.

- Mais... Tu vas faire quoi tout seul ?

- Je trouverai bien un truc à faire ou quelqu'un à aller embêter. Allez, pscht, ton rendez-vous t'attend, cours-y.

Et c'est après m'avoir claqué un baiser sur la joue qu'elle s'en va le sourire aux lèvres et que je me retrouve tout seul sur le banc, à chercher dans le répertoire de mon téléphone un contact avec qui je pourrais passer le reste de l'après-midi.
...
Ok je crois que je vais passer mon temps tout seul comme un blaireau à regarder les passants du parc sur le banc. Magnifique après-midi en perspective, Lech ! Ogami bosse pour une fois, Lyn aussi mais c'est déjà plus normal, Julie est à son rendez-vous... Et le reste de mes connaissances, j'ai pas envie de les voir aujourd'hui... Je referme mon portable, un peu déçu. J'ai la flemme de rentrer chez moi en plus... Pfft... Super...

Et, alors que je cherche une distraction dans ce parc, des voix s'élevèrent.

- ♫ Speak to me, friend.... whisper, I'll listen. I know, I know....
- …..You've been locked out of sight all these years!
- Like me, my friend!

Une femme et un homme... qui chantent. Il faut avouer que c'est une distraction pour le moins originale qui vient de se présenter ! Une petite rouquine vient même s'asseoir à côté de moi, le regard rivé sur le duo peu banal, et se met même à bouger des lèvres, comme pour tenter de reproduire les paroles qui s'enchainent, me faisant doucement sourire.

- Well, I've come home -- to find you waiting! Home, and we're together... And we'll do wonders... Won't we...?
- You there, my friend....
- I'm your friend too, Mr. Grell !
- …. Come, let me hold you.
- If you only knew, Mr. Grell !
- … Now, with a sigh....
- Ooh, Mr. Grell !
- You grow warm in my hand / You're warm in my hand... ♪

Ce qui est sûr, c'est que je suis bon pour avoir cette chanson dans la tête toute la journée maintenant. Mister Grell... J'imagine que ce doit être le nom du mec... Je sens qu'on tire sur ma manche et tourne la tête par réflexe, découvrant que c'est la petite rouquine qui veut attirer mon attention.

- Tu les connais la madame et le monsieur à jolies voix ? Ils chantent super bien !

- Ils ont une très belles voix, mais je ne les connais pas plus que toi...

- Oh... C'est dommage... Et toi, Monsieur, tu chantes, dis ?

- Dis donc, t'es curieuse comme petite fille, toi, je ris, amusé. Tu sais que c'est dangereux de parler aux inconnus, au moins ? Et puis qu'est-ce tu fais toute seule ici ?

- Ben c'est pour ma Maman.

Silence.
Et un intense flot de souvenirs.
Juste à cause d'une phrase banalement enfantine.
Il serait plus simple de tout oublier parfois.

- Ca va, monsieur ?

- Euh, oui oui... Mais tu devrais aller rejoindre ta Maman maintenant. Elle va s’inquiéter.

- D'accord... Dis, tu leur diras qu'ils chantent super bien pour moi, gentil monsieur ?

- Euh... Si tu veux.

Et après un large sourire à mon encontre elle se remet debout et se met à courir vers la sortie du parc. Et moi... Ben moi je me traite mentalement de crétin. Je fais quoi maintenant ? Je vais quand même pas me planter devant ces deux-là pour leur dire qu'une petite fille m'a demandé de les complimenter et de dire que... Quoi que, si je le tourne bien... Oh allez, je tente. J'ai rien à perdre de toute manière.

Je me met à mon tour sur mes deux pieds, enfonçant mes mains dans mes poches, puis m'approche des deux spécimens, sourire aux lèvres, me persuadant intérieurement qu'il y avait une -infime- chance pour qu'ils ne m'envoient pas balader ou qu'ils ne me prennent pas pour un inconnu qui se tape l'incruste... Mais j'ai envie de faire connaissance.

- Ca vous arrive souvent de chanter en plein parc ? Ca fait de l'animation... La petite a adoré en tout cas... Et puis moi aussi. Juste par pure indiscrétion, c'est quoi vos noms ?

Visiblement surpris, les deux jeunes gens se regardèrent. Mais le mec finit par lui sourire tout en tapotant le dos de son amie :

- Heureux que cela t'ai plu ! Cette petite blonde devrait être chanteuse, mais elle ne veux rien entendre et se cantonne à des métiers plus risqués et sportif.

- Grell...

On aurait dit moi et Julie. Voir Ogami et Lin. Ces comparaisons me firent sourire. Ce genre de spectacle prêtait toujours à sourire de toute manière.

- Je m'appelle San, et l'énergumène à coté se nomme Grell. Et toi tu es ?

- Lech, ravi.

- Tu viens ici tout seul ?

- C'est surtout que ma meilleure amie vient de s'enfuir pour son rendez-vous galant...

- Tu dois t'ennuyer ! Viens avec nous, tu n'as rien à craindre tu ne tombera pas entre les mains des Cayugas.

- Des qu...

Pas le temps de finir ma phrase qu'une horde de canards nous jettent un regard contrarié. J'ai... pas franchement l'habitude d'énerver ces bestioles-là... Mais je crois pas que ce soit une bonne chose... D'ailleurs mon mauvais pressentiment se confirme lorsque l'équipe à plumes fonce sur nous tels des oies en furies. Vous pouvez pas savoir à quel point c'est impressionnant de voir tant de canards synchronisés, près à te bondir dessus, toi et les connaissances que tu viens de rencontrer.

Premier réflexe de... Grell, si j'ai bien retenu : Hurler avant de s'enfuir, nous massacrant le bras au passage qu'il vient de se saisir, nous faisant courir super vite. Poursuivi par des canards spécial oies furieuses... Et moi qui pensait passer un après-midi calme et ennuyant. Finalement, c'est pas parti pour ! Alors d'un côté c'est génial, de l'autre, va falloir courir vite si on veut semer les canards.

Arrivés à nouveau près de la marre, je ramasse quelques pierres que je jette sur les canards. Ca marche plutôt bien : Ils reculent au fur à mesure des lancées, malgré des battements furieux d'ailes et des claquements de becs.

- Pscht ! Je sais pas pour vos Cayugas, mais c'est surtout dans leurs becs qu'on risquait de tomber, là.

- C'est pas vrai. Répliqua San après lui, désespérée et frustrée visiblement. Je suis partie à pied du sud de la France jusqu'à Paris pour arriver à Londres puis en Amérique. J'ai pu admirer le Koh-I-Noor, porter le Hope à mon doigt, toucher la Joconde, m'emparer de la pierre de rosette et je vais crever dans un parc sans être aller au Japon ????! C'est pas possible ! Hors de question ! Je m'y refuse !

Sérieux, elle a vraiment fait tout ça ?! En une seule vie ?! Je me sens soudainement bien feignant... Enfin bon, chacun son truc. Le Japon... ? Elle... voudrait aller au Japon ? Là-dessus, je dois dire que moi aussi j'aimerai y aller... Mais le principal, pour l'instant, c'est d'éloigner les cayugas. Les oies. Les canards. Enfin les trucs à plumes qui nous poursuivent depuis tout à l'heure pour une raison mystérieuse. Et pendant que je réfléchis à tout ça, que madame fait la liste de tout ce qu'elle a vécu... Grell s'empare d'une tronçonneuse pour se mettre à courser les bêtes à plumes qui commencent à flipper autant que moi... Même peut être plus...

- Je sens que je vais en trancher de la volaille ! San ! Lech ! Tenez vous prêt ! Prenez votre arme ! À L'ATTAQUE !!!

Sauf qu'eux, ils n'avaient pas d'arme... Et que Grell avait l'air... un peu d'un fou, en fait. Heureusement qu'il courait après des canards et non des humains. Vous imaginez ? Un gars qui vous court après, une tronçonneuse à la main ? J'ai justement un flash -c'est pas bon ça- où Grell me court après, sa tronçonneuse à la main, et qu'il me hurle "Cayugas, cayugaaaas, cayugaaaaaaaaas !". Heureusement que mes flashs bizarres ne durent jamais longtemps... Je me tourne vers San, qui a l'air toujours aussi désespérée, ce qui me fait bien rire.

- Il est toujours comme ça... ? Ah ah, c'trop drôle ! Viens, on le suit, je me demande comment il va s'en sortir avec ces canards !