- Aaaaah !

Je me réveille en criant, la vue cachée par un amas de poils. Comprenant de quoi il s'agit après quelques secondes de panique, j'abandonne toute forme de résistance, devenant extrêmement mou. Un miaulement presque victorieux se fait entendre et la masse poilue disparait aussi vite qu'elle est apparue, laissant la liberté à son prisonnier. C'est à dire... Moi.

- Belly, tu es un chat abominable... Je marmonne.

Un deuxième miaulement, beaucoup plus espiègle cette fois-ci. Je me lève en m'étirant et en baillant, pas du tout réveillé. D'un regard endormi, je fixe mon réveil sans lire l'heure, l'information ne parvenant pas à mon cerveau embrumé. Ah si, peut être... Oh bordel, on est encore le soir ? Pas le matin ? 'Fin c'pas grave, je vais en profiter pour sortir un peu. La grosse patate qui me sert de chat se roule en boule sur mon lit et m'ignore royalement pour cette fois, tandis que je m'éloigne pour aller vers l'armoire. Je fais quand même tomber mon carnet de dessin par terre, ce qui le fait sursauter et le réveille illico. Le voyant reculer d'un bond, je m'arrête pour l'observer, sachant ce qui va se passait par la suite. Un bruit sourd comble mes attentes et je ricane comme un idiot face à la scène : Belly a tellement reculé qu'il a quitté le matelas pour s'étaler sur le sol. Je me trouve des vêtements vite fait, c'est à dire un jean délavé ainsi qu'un tee-shirt blanc sur lequel est dessiné un chat noir qui miaule un "Mrraou" tout mignon.

Ouais bon... Maintenant, à cette heure-ci, je vais aller où ? Vu la musique qui traverse même mes murs, Ogami ne dort sans doute pas. Mais m'incruster dans une de ces fêtes juste pour passer le temps... Et finir alcoolisé, dans les bras dont ne sait quel mec, la tête qui tourne... Hum... Nan, pas envie. Pas aujourd'hui, du moins. Je peux peut être passer voir Lin ? Ah oui, mais s'il dort, je vais le déranger. Oh et puis, j'ai qu'à me balader dans la rue et puis voilà, ça sera régler ! Bon, ça, c'est ce que je décide au tout départ, lorsque je sors de l'appartement pour trainer un peu dans les rues, ma guitare sur le dos et mon carnet de dessin dans la poche de ma veste. Sauf que les rues désertes, ça va bien un moment. Surtout que si je joue de la guitare ici, je vais avoir l'air d'un clodo qui veut du fric, et y a rien à dessiner d'intéressant ici pour compenser.

Je croise la route d'un petit studio où la musique est aussi forte que chez Ogami. Y a de l'ambiance partout dans la ville, dîtes-moi ! Oh, c'est pas la forêt, par là ? Ah ba si ! Bon ben, une bonne chose de faîte, je viens de trouver ma destination ! En plus j'ai gardé ma lampe de poche, c'est cool ! Tout en marchant, je gribouille quelques petits dessins sur les paysages que j'observe, sifflotant une vieille musique que j'ai en tête depuis quelques temps. A vrai dire, c'est génial comme endroit. Le vent ne vient pas trop nous embêter à travers les arbres, mais il y a quand même de l'herbe où on peut s'asseoir pour passer le temps comme bon nous semble. Tiens, d'ailleurs et si je m'asseyais ?

Oh, on entend de l'eau, par là ! On dirait une chute. C'est plutôt joli à voir, les chutes d'eau. Allons nous asseoir au bord de l'eaaaau ! J'ai pas mis longtemps à retrouver ma bonne humeur d'imbécile, on dirait, malgré ma patate de chat qui m'a réveillé dès que je me suis endormi. C'est là qu'une lumière autre que celle de ma lampe vient m'agresser les yeux. Aaaaaah, c'est quoi ça encore ? Un laser qu'on me pointe dans les yeux pour me rendre aveugle ? Mais c'est qui ce gam... Oooooooh, mais je l'ai déjà vu celui-là, non ? Si, si, le gars parfois sympa parfois grognon qui a l'air de complexé grave sur sa taille. C'est quoi son nom, déjà ? Noh ? Noise ? Moïse ? Non, je m'éloigne, là. Noah ! Yeah, je crois que c'est ça. Bon. Déjà, faut pas lui dire que que j'ai pensé à Moïse en tentant de me rappeler son prénom sinon... Il va me chercher les noises. Que je suis pas drôle. Bon, allez, on y va avec tact et diplomatie pour une première approche, il est assez spécial comme mec, faudrait pas le fâcher.

- Q-qui est là ?

Il est trop mignon à bégayer comme ça... Rah la la. Allez faire des efforts pour paraître neutre, après avoir aperçu cette petite mine apeurée te pointer son ipod dans les yeux pour savoir s'il va se faire attaquer ou non. Enfin. Je n'ai pas envie de finir en chiche kebab en lui disant qu'il est mignon, alors je ne vais pas réagir comme le maso de base qui tenterait de lui faire une mauvaise blague. Je lève les mains en signe de paix comme si son ipod était un flingue qu'il me braquait dessus. Je viens en paix, je vous jure ! Oh la la, parti comme c'est, je vais pas tenir longtemps avant d'envoyer une blague idiote et de me faire tuer par Petite Peluche Ronchonne...

- Salut, c'est Lech ! Je lance avec un grand sourire d'imbécile heureux. Euh... Si tu pouvais baisser ton ipod, il me vrille un peu les yeux, là. Tu permets ?

C'est sans attendre de réponse -mais quelle impolitesse- que je me rapproche de lui, remonte un peu les bords de mon jean avant de plonger doucement les pieds dans l'eau froide. Brrr. Elle est vraiment glacée. Mais vu le temps que j'ai mis à venir jusqu'ici, ça fait du bien que les pieds arrêtent de me brûler. Ça ne m'empêche pas de frissonner, surtout quand les poissons décident de me chatouiller les orteils avant que je ne décide de bouger des pieds pour les faire déguerpir de là.

- Je suis pas venu pour t'embêter, hein ! Juste pour me balader un peu. Je pensais ne croiser personne, ici.

- Ouais moi aussi, marmonne-t-il comme simple réponse.

Non, c'est vrai ? Moi qui m'attendais à l'entendre dire qu'il était heureux de me voir et me sauter au cou ! Ironie, ironie, ne vous affolez pas... Le jour où il agira de la sorte et volontairement, je veux bien finir prêtre. Autant dire que ce n'est pas demain la veille que ça risque pas d'arriver. Je remarque qu'il est trop petit pour tremper ses pieds comme il semble le vouloir vu son air frustré. Je décide sagement d'éviter quelconque remarque ou sourire qui m'aurait directement fait basculer dans l'eau jusqu'à noyade.

De ce que j'ai compris, il ne faut pas trop l'énerver, ce que j'ai du mal à faire, en vérité. J'aime embêter mon monde... Dans les limites du raisonnable bien sûr... Sauf que raisonnable, avec le petit vert, c'est tout simplement pas de remarque du tout. Mais là il est tard et je suis de trop bonne humeur pour tester ses limites jusqu'à devoir me battre avec lui... Donc on va rester neutre pour aujourd'hui...

Enfin c'est ce que je pense au début. Juste au début. Je le regarde, sceptique, s'avancer un peu histoire de pouvoir mettre ses pieds dans l'eau, un sourire victorieux aux lèvres. Sait-il au moins qu'il se trouve dans un équilibre instable, maintenant ? Ses mouvements de pieds brusques et beaucoup trop rapides pour pouvoir rester sur terre ferme démontre fermement le contraire. Je compte le lui faire remarquer à mes risques et périls, ne voulant pas non plus qu'il se casse la figure dans la flotte, sauf que ma gentillesse me prend en traîtrise puisqu'il se retrouve bien vite basculé en avant et m'emporte dans sa chute. J'ai à peine le temps de prendre une respiration que je me retrouve plongé dans ce qui me semble être le liquide le plus froid auquel je n'ai jamais eu droit.

Plouf.

Je me retrouve finalement bel et bien coulé par Noah, bien qu'involontairement et non pas à cause d'une de mes remarques, et l'eau froide me fait frissonner. Je remonte au plus vite à la surface et nage vers le quai pour être à nouveau sur terre ferme, ne voulant pas rester une seconde de plus là-dedans, même si je regrette a posteriori vu que le vent se décide à me démontrer combien il fait froid lorsqu'on sort de l'eau, aussi gelée soit-elle. Magnifique. Maintenant je me les gèle, je claque des dents, mes lèvres doivent sans doute être aussi bleus que celles de Noah à présent, sans aucune source de chaleur convenable ou quelque chose pour me sécher à proximité. Super ! Des virées nocturnes j'en ai fais et j'en ferai sans doute encore, mais au bord d'un lac avec Noah, j'espère bien que ça ne se reproduira plus jamais.

Il se tourne vers moi. Pourquoi, telle est la question, parce que je ne suis peut être pas Einstein mais je me doute bien que ce n'est pas pour s'excuser. Ce n'est pas le genre de gamin qui sait reconnaître où il a fauté. Pas que je sois un exemple dans le domaine non plus, mais lui, c'est pire je pense... Enfin peut être que je me trompe, que je me fie trop aux apparences et qu'il est plus poli qu'il n'en a l'air...

- Imbécile.

...Enfoiré, t'es encore pire que t'en as l'air, en vérité. Je lâche un soupir exaspéré. Qu'est-ce que je disais déjà, il y a quelques minutes ? Ah oui. Je suis de trop bonne humeur pour chercher les ennuis. Bizarrement, ma dite bonne humeur vient de prendre les jambes à son cou. C'est ce qu'on appelle la douche froide, dans le sens propre et figuré du terme... Maintenant il me reste plus qu'à rentrer chez moi, même si la route est bien longue, trempé ainsi...

- L'imbécile repart chez lui se sécher, monsieur le génie devrait en faire autant s'il ne veut pas attraper froid, je grogne de façon plus ou moins audible, rangeant mes cliques et mes claques.

- C’est ça dégage ! m'hurle-t-il dessus, me faisant lever les yeux au ciel.

Je crois que parfois, je devrais éviter de l'écouter celui-là... Plus t’essaie de ne pas l'énerver, d'être gentil et tout, plus il arrive à se mettre en colère facilement contre toi. Je lâche un léger soupir, me mettant à marcher sans me retourner et sans même prendre la peine de lui répondre. Si c'était pour me faire enguirlander en lui proposant de venir avec moi, ce n'était franchement pas la peine...

Et pourtant, à peine quelques secondes de marche, et je sens quelque chose s'accrocher à mon bras, me faisant sursauter. Je regarde Noah avec des yeux ronds, comme si ce qu'il venait de faire relever du miracle... Ce qui était peut être un peu le cas, en vérité... Rien qu'à l'entendre parler ensuite m'interloque d'ailleurs :

- A-Attend moi !

Puis, remis de ma surprise quelques secondes plus tard à me demander si je n'étais pas en train de rêver, je hoche doucement la tête, toujours un peu étonné néanmoins. D'abord il me hurle de déguerpir pour une raison inconnue puis après il me court après en me demandant de l'attendre... Attendez... Il n'aurait quand même pas...

...peur de rester tout seul ici ? Ah ba ouais, tout devient clair, maintenant...

- Ok, je t'attend... Mais serre pas si fort, s'il te plaît, c'est pas la peine de me couper la circulation du poignet.

Et donc, je continue mon chemin, accompagné par le petit vert. En espérant ne pas mourir de froid jusqu'à chez moi. C'est vrai que trempés ainsi, on risque de ne pas faire long feu sinon... Claquant des dents de plus en plus fort, je me concentre pour tenter de ne pas trop trembler, frigorifié. Brrr. Il est temps d'arriver chez moi, là.

C'est donc après un bon quart d'heure de marche que je me retrouve à l'entrée de la ville, me précipitant limite sur la porte d'entrée de mon appartement, préférant sonner chez Lin plutôt que de prendre la peine de chercher mes clefs, à bout de nerfs :

- Oui ?

- C'est Lech, ouvre !

- T'as pas tes clefs ?

- La flemme de les chercher. J'ai froid, grouille.

- Flemmard...

Malgré sa remarque qui me fait sourire sur le coup, un déclic m'informe qu'il m'a bel et bien ouvert. Dieu soit loué. Si je croyais en vous Seigneur, je vous ferai plus d'offrandes, de promesses et de prières qu'il n'en faut. Je me précipite jusque la porte de mon appart', sortant mes clefs -trempées- cette fois pour pouvoir ouvrir, tout en ayant le plaisir de pouvoir me mettre contre le radiateur une fois le seuil franchi.

- Si tu veux prendre une douche, la salle de bain est la porte juste à gauche... Si t'y vas pas, je te préviens que moi je vais y aller, je souffle, heureux de pouvoir retrouver un minimum de chaleur contre mon radiateur que je n'ai jamais autant béni de ma vie je crois.